Danser Cayenne – Témoignages

17 juin 2019
17 juin 2019 Julia Bouhjar

Aujourd’hui nous avons le plaisir de vous proposer un article rédigé par de notre collaboratrice de longue date, Ophélie Bellanger. Suite à son voyage à Cayenne en 2018 et à sa participation à un magnifique projet de danse, elle a interviewé deux femmes passionnantes, aux initiatives inspirantes !

« Elles ont d’abord commencé par danser chez Yvette. Le manque d’espace les a emmenées vers la terrasse de Jeanne. De là jusqu’à la plage, il n’y avait qu’un pas. Depuis près d’un an, Yvette Le Goff et Jeanne Brancier se retrouvent régulièrement dans un espace de la ville de Cayenne pour partager leur passion commune pour la danse.

Tour à tour professeure de danse, chorégraphe et directrice de centre de vacances, Yvette est aujourd’hui art-thérapeute. Jeanne est géo-archéologue mais aussi passionnée par les danses d’Orient qu’elle enseigne. Parallèlement, elle se forme à la sophrologie et à l’art-thérapie.

Elles se sont rencontrées ici, à Cayenne, où je passe mes vacances. Elles m’ont invitée à les rejoindre pour deux temps dansés. Le premier sur le nouveau campus de l’Université, au milieu d’immeubles fraichement sortis de terre, sur des planchers qui semblent avoir été installés là délibérément pour qu’on y danse. Le second au fort Cépérou, fortin situé sur le mont éponyme qui surplombe la ville et offre une vue imprenable sur l’océan et l’entrée de la rivière de Cayenne.

Curieuse de comprendre le rapport de ces femmes à la danse et à l’espace public, je leur ai posé quelques questions.

Danser à Cayenne

Comment avez-vous rencontré la danse ?

Y : La danse faisait partie de mon environnement familial. Les repas de famille étaient des fêtes joyeuses. Ma mère, d’origine kanak, nous a appris (à mes soeurs et moi) les danses du Pacifique. La danse comme discipline m’a été présentée au collège – j’avais 11 ans – par une professeure d’Education Physique et Sportive.

J : Je ne l’ai pas rencontré, c’est elle qui est venue à moi depuis que je suis enfant. Dans mes plus lointains souvenirs j’ai toujours dansé, j’ai toujours vu mes parents danser aux soirées. Aux anniversaires on jouait à « stop dance », c’est dire si ça remonte … .

Que vous apporte la pratique de la danse dans un espace public ?

Y : C’est extraordinaire de danser dehors! Ça m’a toujours un peu dérangé de danser dans un espace fermé. Ici l’avantage est qu’on peut danser à l’extérieur. Ce que je trouve agréable c’est le contact avec l’air, avec la nature. C’est une manière de s’éprouver aussi puisqu’il y a du public. Cela force la concentration, la maîtrise de soi. Et puis, ça nous fait jouer avec un côté un peu cabotin, on s’en amuse d’oser danser dans la rue et en même temps on offre à voir de la danse gratuitement.

J : La pratique de la danse dans un espace public m’apporte une certaine liberté. J’aime l’idée de danser n’importe où et partout et quand bon me semble, sans me soucier du regard des autres. Cela fait appel à mon âme d’enfant. Les enfants dansent, jouent, sans se soucier du regard de l’autre. J’aime ressentir cela à nouveau. J’aime également éveiller la curiosité de l’autre, des passants, et pourquoi pas que des choses spontanées se produisent, comme une invitation à danser ensemble. J’aime venir bousculer, déranger les gens dans leurs cadres et leurs « qu’en dira t-on ? Il ne faut pas, vous n’avez pas le droit, etc … ». Cela vient également me faire travailler sur mon propre cadre, mes propres limites et barrières. J’adore même si cela n’est pas toujours confortable.

Vos sessions suivent-elles un schéma particulier?

J : On ne se dit rien. On arrive telles que l’on est, avec notre bagage de la journée et puis cela vient comme ça. Quand je sors de ces sessions, j’ai vraiment une impression de liberté. C’est sans limite et j’adore ressentir cette émotion!

A terme, est-ce une pratique que vous aimeriez l’une ou l’autre, l’une et l’autre, rendre formelle? Pensez-vous créer pour l’espace public ?

J : Avec Yvette nous ne manquons pas d’idée, de projets. Créer un spectacle à présenter dans des lieux sans crier gare c’est à dire sans faire de communication avant, comme ça vient, selon les envies, le moment, le temps, etc … Surprendre, déranger, interroger, faire rire ou pleurer, intimider.

Y : Oui. Nous avons un projet sous forme de happening. Je trouve que l’art en général n’est pas assez présent auprès des plus jeunes et des plus vieux. Montrer qu’un spectacle ce n’est pas forcément sur une scène, dans une salle. Ici, cela reste assez nouveau d’investir l’espace public. C’est en train de bouger. Le festival de danse y contribue.

J : Un projet avec des enfants et adultes des fleuves, comme par exemple à Camopi, est également en train d’émerger dans nos têtes. Proposer un spectacle et des initiations dans les villages isolés de Guyane serait une chouette manière d’aller à la rencontre de ces populations. La danse, le mouvement, le corps est un beau moyen d’entrer en communication et d’ouvrir un échange.

Affaire à suivre … »

Le festival « Rencontres de Danses Métisses » a vu le jour en 2004. Il est aujourd’hui porté par Touka danses, premier Centre de Développement Chorégraphique National de l’outre mer. Ateliers, master classes, spectacles, conférences dansées sont proposés dans six villes de Guyane par des compagnies locales et internationales et des associations et écoles de danses guyanaises.

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